Propositions

Convention citoyenne : la parole présidentielle à l’épreuve des faits

Publié le 01 juillet 2020 , mis à jour le 19 novembre 2020

Après 9 mois de travail, les 150 citoyens tirés au sort ont rendu 149 propositions avec un objectif : réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France en 2030, par rapport à 1990. Le 29 juin dernier, Emmanuel Macron a accueilli les citoyens à l’Elysée en leur promettant de mettre en oeuvre 146 de leurs 149 propositions : Des annonces positives… si elles sont suivies de faits. Car c’est maintenant que tout se joue et il faudra être vigilant à ce que la mise en oeuvre ne soit pas un long détricotage de la volonté des 150. A partir de cet été, nous serons en mesure d’évaluer la valeur de la parole présidentielle : le vote de la nouvelle loi climat, supposée retranscrire toutes les mesures des 150 citoyens et le 4e projet de loi de finances rectificatives seront déterminants pour savoir si le gouvernement va amorcer un vrai tournant écologique et social. Analyse.

146 mesures cohérentes pour engager la transition...

Alors qu’il s’était engagé à reprendre ces mesures “sans filtre” et que les citoyens l’avaient mis en garde sur le fait qu’ils “ne proposaient pas un menu à la carte mais un ensemble cohérent”, le Président de la République a affirmé vouloir reprendre 146 mesures parmi les 149 proposées. Ses trois “jokers” : le passage du 130km/h à 110km/h sur l’autoroute, la modification du préambule de la constitution, et la taxe à 4% des dividendes. 

On peut regretter que le Président n’ait pas poussé l’exercice en reprenant la totalité des mesures mais les 146 restantes continuent de former un tout cohérent pour engager la transition écologique et sociale, à condition que plus aucune mesure ne soit supprimée et que les moyens financiers nécessaires soient mobilisés.

Le Président a notamment accédé à la demande des citoyens d’organiser un référendum sur la réécriture de l’article 1er de la constitution ainsi libellé : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Ce changement marquerait une réelle avancée puisqu’elle permettrait au Conseil Constitutionnel de censurer toutes les lois et tous les décrets pouvant menacer une dégradation de l’environnement. 

...mais déjà certains reculs, notamment sur le CETA, la publicité ou la 5G 

Sur le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, Emmanuel Macron s’est réfugié derrière de nouvelles études d’impact, alors que de nombreuses études ont déjà démontré les graves conséquences sociales et environnementales de cet accord (hausse des émissions de gaz à effet de serre, arrivée de viande bovine nourrie aux farines animales sur le marché européen, possibilité pour les investisseurs canadiens d’attaquer les politiques climatiques des Etats devant des tribunaux d’arbitrage privé…) et que les citoyens demandaient directement la fin de son application provisoire. C’est d’autant plus surprenant que le Président de la République avait déjà demandé une étude indépendante sur cet accord en 2017, et que celle-ci avait pointé son caractère nocif pour l’environnement. 

Devons-nous y voir une manoeuvre de dilution pour laisser le CETA indéfiniment en “application provisoire”, alors que selon un sondage Elabe réalisé pour le Réseau Action Climat, 81% des Français sont favorables à cette proposition ?

Autres points de vigilance : le malus qui vise à sanctionner les véhicules les plus lourds et polluants ou les aides à la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales ont déjà été rejetées récemment à l’occasion de la 3e réforme du projet de loi de finance. 

Inquiétant également, les différences de postures entre l’Elysée et le gouvernement : plusieurs ministres ont déjà annoncé que certaines mesures ne seraient pas mises en place dans leur totalité. Bruno Le Maire compte s’opposer à l’interdiction de la publicité pour les biens nocifs pour l’environnement comme les SUV, et la réduction de la TVA de 10 à 5,5% sur les billets de train, Agnès Pannier-Runacher déclare vouloir développer la 5G alors que la convention demandait un moratoire en attendant les résultats de l’étude de l’Anses. 

Des prochains rendez-vous déterminants à l’été

Dès la fin de l’été, les promesses vont pouvoir être évaluées au moment du vote de la loi climat et du 4e projet de loi de finances rectificatives (PLFR4), qui traduira le plan de relance. Nous saurons à cette occasion si les mots et les intentions du Président seront vains ou non.

En matière de rénovation des bâtiments notamment, le Président a accepté d’explorer la voie d’un investissement plus important notamment pour les bâtiments publics et les aides aux ménages. Mais les différentes mesures coercitives (obligation de rénovation globale et interdiction de location des passoires énergétiques dès 2024) restent indispensables pour que les objectifs environnementaux soient bien aboutis. Elles devront donc absolument figurer dans la loi climat. 

Enfin, le Président de la République a annoncé un plan d’investissement de 15 milliards d’euros supplémentaires sur deux ans, pour la transition écologique. Une annonce positive même si I4CE estimait les besoins plutôt entre 20 et 40 milliards. 

D’ailleurs, la Commission européenne a annoncé un plan de relance compatible avec la transition écologique dont environ 39 milliards pour la France. A quoi seront destinés les 24 milliards restants ? Si Emmanuel Macron veut rester cohérent avec ses annonces, il devra s’assurer que la somme restante ne soit pas investie dans des projets climaticides.

Entre loi climat, plan de relance et PLF, la fin d’année permettra finalement de dire si oui ou non le gouvernement a pris la mesure de la tâche collective qui nous attend.

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