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Covid-19 : Quels liens entre notre modèle agricole et les crises sanitaires ?

Publié le 05 mai 2020 , mis à jour le 23 juillet 2021

Zoonose… ce mot qui était méconnu par le grand public il y a quelques mois fait désormais partie de notre quotidien. Et effet, les maladies comme le Covid-19 transmises par des animaux domestiques ou sauvages représentent aujourd’hui les trois quarts des maladies infectieuses émergentes. D’où vient ce phénomène ? S’il est compliqué à ce stade de déterminer si le Covid-19 trouve directement son origine dans les dégradations environnementales, une chose est sûre : l'érosion de la biodiversité et la destruction des habitats du monde sauvage ont un impact direct sur l’apparition et la propagation des virus. Notre modèle agricole et d’élevage intensif est donc à nouveau remis en question.

Déclin de la biodiversité et hausse des épidémies : notre modèle agricole et alimentaire à nouveau dans le viseur 

La diversité des écosystèmes, des espèces et des gènes permet de constituer un garde-fou face aux épidémies. En bref, plus il existe une diversité biologique dans notre planète, plus il existe de boucliers entre les humains et les virus. Protéger la biodiversité c'est aussi protéger notre santé.

Cependant, nous assistons aujourd'hui à un déclin de la biodiversité sans précédent : la 6ème extinction de masse a commencé et un million d'espèces (animaux et plantes) sont menacées de disparaître de la surface de la Terre, d'ici les prochaines décennies (IPBES). 

A quoi est dû ce déclin ? Selon l’IPBES, deux des cinq causes majeures de la destruction de la biodiversité sont : 

  • les changements d’usage des sols, causés majoritairement par l'agriculture intensive et l’urbanisation. Par exemple, lorsque nous déforestons une forêt vierge pour faire pousser du soja, ou pour étendre l’espace des villes nous changeons l’usage des terres. Alors que les forêts abritent 80% de la biodiversité terrestre, près d'un tiers de la superficie forestière mondiale a été perdu par rapport aux niveaux préindustriels (WWF).
  • l’usage intensif des pesticides, employés essentiellement par l’agriculture industrielle et uniformisée. Celle-ci dépend du recours aux pesticides de synthèse pour être productive en luttant contre ravageurs, champignons ou herbes indésirées. Mais les pesticides détruisent la biodiversité comme par exemple les pollinisateurs. La pollution des terres et des rivières induite par les pesticides contribue également à la destruction de la faune et de la flore sauvage.

Le changement d’affectation des terres et l’usage intensif des pesticides sont favorisés par un modèle industriel basé sur des systèmes agricoles de plus en plus uniformes et gourmands en ressources. 

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L’agriculture intensive favorise la déforestation et la transmission de virus entre espèces

La destruction des habitats des espèces sauvages tels que les forêts facilite la propagation de virus. La FAO confirme que l’augmentation des maladies infectieuses émergentes coïncide avec la croissance accélérée de la déforestation tropicale, liée notamment à la plantation du palmier à huile ou du soja. En effet, les humains sont tout simplement exposés à des agents pathogènes qui normalement sont au cœur des forêts et loin des hommes depuis toujours. 

En vingt ans, 100 millions d'hectares de forêts tropicales ont donc été perdues, principalement pour nourrir nos animaux d’élevage7,7 milliards de personnes à nourrir dans le monde, avec un régime toujours plus riche en viande et en produits laitiers, demandent une superficie agricole faramineuse. L’élevage utilise en effet 80% des terres agricoles mondiales, alors qu’il ne fournit que 18% des calories que l’on consomme. Rappelons que l'Union européenne importe chaque année 17 millions de tonnes de protéines brutes végétales (soja, légumes secs, tournesol, etc.), parmi lesquelles 13 millions de tonnes de graines de soja. Au total, 87% de ce soja importé sert à nourrir les animaux d’élevage intensif: la volaille (50%), les porcs (24%), les vaches laitières (16%), les bovins allaitants (7%) et les poissons (4%). 

De même, l’intensification de la production d’huile de palme est principalement responsable de la déforestation en Asie du sud-est depuis les années 1990. Cette déforestation a par exemple forcé la migration de chauves-souris frugivores (qui se nourrissent de fruits mûrs) et ainsi provoqué l’émergence de l’épidémie de maladie à virus Nipah. La première vague de cette épidémie a eu lieu en Malaisie et a atteint un taux de mortalité de 40% ! 

Pourquoi est-il vital de protéger la biodiversité ?

Transport à l’autre bout du monde et pollution de l’air, l’agriculture intensive facilite la propagation de maladies 

Depuis le début de la crise, plusieurs études se sont penchées sur les liens entre la pollution de l’air et la pandémie. Ainsi, l'exposition à long terme aux particules fines constituerait un facteur aggravant du taux de mortalité du Covid-19, dont l’un des symptômes les plus fréquents est une gêne respiratoire qui évolue parfois en syndrome de détresse respiratoire aiguë. 

L’agriculture intensive a un rôle majeur dans la pollution atmosphérique, y compris en milieu urbain, comme les épisodes de pollution printaniers l’ont illustré ces dernières semaines. En effet, la pollution de l’air provient en bonne partie des épandages d’engrais ou de pesticides particulièrement nombreux au printemps. Lors des épandages de lisier, par exemple, l’ammoniac libéré favorise la formation de particules fines (d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres). Les particules fines émises par les activités agricoles proviennent également des épandages de pesticides, comme le souligne l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

La propagation des maladies est également accélérée par la mondialisation. En effet, les transports sont depuis longtemps une source considérable de dissémination d’épidémies. Par exemple, le transport de denrées sur les bateaux, et donc inévitablement de rats, a contribué à répandre la peste en Europe. Alors avec la mondialisation et l’augmentation des transports, la dissémination planétaire des virus peut être très rapide, comme l’a montré l’exemple du coronavirus. 

L’intensification des pratiques d’élevage, synonyme de nouvelles crises sanitaires à venir

La déforestation n'est pas la seule conséquence de l'élevage intensif liée à la crise sanitaire. Les animaux d’élevage sont à l’origine de plus de 22 milliards de tonnes d'excréments par an, qui peuvent propager des maladies en contaminant l’eau et les sols. C'est le cas de la bactérie Escherichia coli, présente dans les intestins de nombreux animaux d'élevage et qui provoque chez les humains des diarrhées sanglantes et de la fièvre.

De même, les pratiques intensives affaiblissent la diversité génétique des élevages, ce qui facilite la transmission d’une épidémie d’un animal à un autre. En effet, depuis le début du XXe siècle, 30% des races de poulet, 20% des races de cochon ont disparu. On prépare ainsi de nouvelles crises sanitaires tout en sachant qu'une diversité génétique élevée est la meilleure protection contre la propagation des pathogènes.

Aussi, dans les élevages intensifs de nombreux animaux se retrouvent entassés dans des bâtiments fermés sans accès à l’extérieur, ce qui entraine une forte utilisation d'antibiotiques pour prévenir les infections. Ces antibiotiques sont ensuite ingérés par les humains qui peuvent développer une antibiorésistance, qualifiée par l’OMS comme un "immense danger pour la santé mondiale". Il est estimé que l’antibiorésistance pourrait tuer 10 millions d’humains tous les ans si rien n’est fait d’ici 2050.

Dimminuer considérablement notre production et consommation de produits animaux est donc un grand levier pour prévenir les zoonoses, en plus d’avoir d’autres nombreux bénéfices (diminution des gaz à effet de serre, baisse de la consommation d’eau, réduction des maladies non transmissibles : cancer, diabète, etc.). 

Alors maintenant, vers quel modèle s'orienter ?

Pour éviter de nouvelles crises et mieux s’adapter à celles qui viennent, il est nécessaire de changer de cap. Le futur plan de relance est un moment crucial pour miser sur la relocalisation et la diversification agricole et alimentaire, l’accélération de la transition écologique et la régulation des marchés.Pour ce faire, la FNH propose 5 mesures clés. 

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