Propositions

L'avenir de la SNCF ne peut se jouer sur une vision comptable !

Publié le 25 avril 2018 , mis à jour le 23 avril 2021
(Tribune de Audrey Pulvar, présidente de la FNH et Alain Grandjean, membre du conseil scientifique diffusée dans le Journal du Dimanche du 15 avril)

Train

Le rail est un atout majeur de la transition écologique. Garant d'une mobilité peu carbonée et accessible au plus grand nombre, son indispensable montée en puissance nous confronte aux vraies questions : l'ampleur de la dette, l'effondrement du fret, l'avenir des " petites lignes ".  

Notre système ferroviaire va mal. Pour les usagers, le désinvestissement dans les lignes secondaires, les Intercités de jour et de nuit, en France et vers l'Europe, a affaibli la position du train, reportant le trafic vers l'avion et la voiture individuelle. Pour le transport de marchandises, l'incohérence et maximale : en recul permanent, il compte aujourd'hui pour moins de 10% du trafic en France, situation unique en Europe, alors que les tonnes kilomètres transportées ont cru de plus de 70% en 25 ans ! 

À la nécessité d'investissement, le gouvernement oppose le problème de la dette , et place celle-ci au centre des négociations. Or la dette de SNCF Réseau est une construction comptable. Nous appelons donc le Président de la République à respecter l'une de ses promesses de candidat : faire intégralement reprendre la dette de la SNCF par l'Etat, comme l'Allemagne a pu le faire. La dette de la SNCF profitant déjà de la garantie publique, il s'agit d'un jeu comptable sans impact réel sur le déficit public, mais grandement libérateur pour le ferroviaire.

La dette, cet argument facile et bien pratique, pour qui veut minorer la compétitivité du train… Le rail et la route relèvent d'infrastructures publiques. Pourtant, a-t-on jamais entendu parler de " dette de la route " dont la construction et l'entretien, excepté pour les autoroutes, sont intégrés au budget de l'Etat et des collectivités ? Pas de dette, pas de sujet de débat ? Entre 1990 et 2015, la France a investi 276 milliards d'euros dans le réseau routier quand elle investissait 78 milliards d'euros dans le ferroviaire. Dès juillet 2017, en n'intégrant pas le ferroviaire à son plan Climat, le gouvernement s'est inscrit dans la continuité d'une politique depuis trop longtemps menée à l'aune d'une logique comptable, sans vision positive pour le rail. Or, il y a tant à faire !

Pour chaque voyageur, le niveau d'émission de CO2 du train est imbattable : 8,4g de CO2 par kilomètre parcouru, contre 45g pour l'autocar et 168g pour l'avion ! Dans un monde soumis à l'urgence climatique, alors que la France s'enorgueillit de rendre la planète great again, le gouvernement renâcle encore à investir massivement dans le train, à moderniser les rames, développer les services à bord, relancer les trains de nuit, ou favoriser la mobilité multi-modale (train-tram-autopartage-vélo…) ? Quant aux " petites lignes ", cessons l'hypocrisie ! Oui, il existe quelques rares cas pour lesquels le maintien d'une liaison ferroviaire ne se justifie plus. Mais pour la plupart de ces soi-disant petites lignes, on oublie de parler de leur potentiel, sous-exploité, ce qui assigne les citoyens à l'usage de la voiture. Fermer des lignes ? Ecoutons ce qu'en disent leurs usagers, et les territoires concernés. C'est à leur niveau que doit être rendu l'arbitrage. À la réforme ferroviaire de leur donner les moyens nécessaires - la rénovation du rail coûte 3 milliards d'euros par an - et de garantir l'équité entre territoires. 

Un mot du fret enfin, et une question : pourquoi la France s'entête-t-elle à faire disparaître le fret ferroviaire, quand l'Allemagne, si souvent prise en exemple par le gouvernement à propos de sa réforme, a au contraire choisi de développer ce mode de transport de marchandise efficace du point de vue énergétique et climatique, et bien moins polluant que le routier, accroissant son trafic de 40% en 10 ans… ? 

Le ferroviaire n'est pas l'ennemi de la finance publique, il est l'un de nos meilleurs alliés pour mener une transition écologique économiquement efficace, socialement juste et territorialement équitable. La réussite de l'enjeu du siècle, la transition écologique, ne peut faire l'économie du renouveau du rail.

Pour en savoir plus sur le nécessaire investissement dans le rail, lire l'article d'Alain Grandjean :

https://alaingrandjean.fr/2018/04/17/investir-rail-ardente-obligation-transition-energetique/

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