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Le transport aérien doit prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique

Publié le 28 mars 2017 , mis à jour le 17 novembre 2020

Le transport aérien international va-t-il enfin prendre ses responsabilités dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Ce secteur n’est à ce jour concerné par aucun des mécanismes mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, est exempté d’un prix du carbone, et n’est pas couvert par l’Accord de Paris sur le Climat. Une exception qui illustre les incohérences de la gouvernance internationale sur l’environnement. L’accord obtenu à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI*) en octobre 2016 vise à mettre en place un mécanisme de compensation, afin de stabiliser les niveaux d’émission de ce secteur en forte croissance. Un mécanisme jugé insuffisant pour ce secteur en pleine croissance.

Le transport aérien : un contributeur croissant au changement climatique

Le transport aérien international représente aujourd’hui 2 à 3%* des émissions globales de gaz à effet de serre (GES). A titre de comparaison, la France est responsable de 1% des émissions de GES de par le monde. Pour apprécier la responsabilité de ce secteur, il faut se projeter dans l’avenir. En effet, la mobilité s’accroît de par le monde, sous l’effet notamment de la demande des pays émergents. Si aujourd’hui, ce sont 3,3 milliards de passagers qui sont enregistrés, en 2035 le trafic devrait doubler pour atteindre 7 milliards. Les progrès en termes d’efficacité énergétique ont permis de réduire les émissions de CO2 par passager de 35% entre 1990 et 2013, mais le volume global s’est accru de plus de 60% dans le même temps. Et selon les constructeurs, il devrait doubler d’ici 2020, tripler d’ici 2030, pour atteindre une part équivalente à 20% des émissions de GES en 2050. Ces perspectives de croissance sont incompatibles avec l’objectif de stabilisation du climat à +2°C. Le secteur aérien ne peut s’extraire d’un cadre d’action global et doit s’impliquer à la hauteur de ses responsabilités et de ses moyens.

Vers un mécanisme international de compensation

Face à l’augmentation prévue du trafic, les industriels de l’aviation proposent de stabiliser leurs émissions à partir de 2020 dans le cadre du système de compensation qui sera implémenté après 2020 pour être opérationnel post 2030. Ils misent sur des progrès techniques, une plus grande efficacité énergétique, le recours aux carburants alternatifs, mais surtout sur un système ouvert d’échange de droits d’émissions.

La Fondation Nicolas Hulot souligne que la mise en place d'un système de compensation des émissions à partir de 2020 ne peut être qu’une étape dans une feuille de route 2°C compatible : le transport aérien doit prendre de véritables objectifs de « réduction », et non de « stabilisation », de ses émissions, et se fixer des objectifs clairs à l’horizon 2030, en mettant en œuvre les moyens nécessaires conformément aux décisions prises par la Communauté internationale en décembre dernier à Paris. Le secteur aérien ne peut plus s’exempter de l’exigence de transparence et bénéficier d’un blanc-seing de la communauté internationale vis à vis de sa contribution climat.

Par ailleurs, la Fondation rappelle que d’autres actions sont essentielles pour l’avenir, en particulier le renforcement des normes internationales sur les émissions des nouveaux avions. Révisées début 2016 par l’OACI, elles ne prennent pas en compte les progrès technologiques existants et à venir, et n’auront de fait pas d’influence notable sur le secteur. Or, les les normes jouent un rôle déterminant pour améliorer les performances des industriels et favoriser la prise en compte de l’intérêt général.

 

La France, exemplaire ?

Pour réduire réellement les émissions du secteur aérien, il est nécessaire de combiner des mécanismes internationaux et des politiques nationales ambitieuses. La France, en tant que Présidente de la COP 21, doit porter une position ambitieuse à l'OACI, mais doit également faire preuve de son exemplarité et proposer des actions concrètes :

  • en programmant la fin des avantages fiscaux au secteur aérien domestique : les vols intérieurs en France sont exempts de taxes sur le kérozène. Cet avantage a le lourd défaut de tirer les prix vers le bas, de soutenir les usages superficiels de ce mode de transport et de freiner l’innovation nécessaire. Au détriment des autres modes de transport ! Une taxation se justifie d’autant plus dans un contexte où le prix du baril de pétrole est particulièrement bas et où la taxe carbone est mise en place.
  • en favorisant les déplacements en train plutôt que les vols intérieurs conformément aux orientations de la Loi sur la Transition énergétique et pour la croissance verte votée en 2015

L’aérien est aujourd’hui le moyen de transport le plus émetteur : 1 aller retour Paris - New York représente 1 tonne de CO2 par personne soit l’équivalent de l’énergie utilisée par un français pour se chauffer pendant un an, ou encore 8 700 km avec une voiture neuve de petite cylindrée (soit 115g CO2/km) !), et le plus polluant surtout pour les trajets de courte distance (inférieurs à 800 km).

*L’OACI est une institution onusienne qui rassemble les 191 états membres et les groupes industriels du secteur et oriente la régulation du trafic aérien international. La France, en est membre, et est active au sein du Comité de protection de l’environnement en aviation, qui traite des questions techniques liées à l’environnement au sien de l’OACI. La France est par ailleurs présidente de la COP 21 jusqu’à la COP22, qui se déroulera en novembre.

** Ministère de l’environnement, de l’énergie et du développement durable, Rapport Environnement, DGAC, juin 2015.

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