Propositions

Loi économie circulaire : s’attaquer à la montagne de plastique qui nous ensevelit

Publié le 09 décembre 2019 , mis à jour le 19 novembre 2020

L’Assemblée Nationale débat depuis le 25 novembre sur le projet de loi Antigaspillage pour une économie circulaire. Au delà de la polémique question de la consigne, cette loi est l’occasion de remporter une première victoire contre le tout plastique.

Depuis une cinquantaine d’années nos modes de production et consommation ont profondément changé et ont fait place progressivement à l’ère de l’usage unique, au tout jetable, au plastique.

Les conséquences à première vue étaient fort appréciables, des produits plus légers, des produits individuels, le développement de la vente à emporter. L’industrie a fait preuve de plus en plus de créativité pour répondre ou susciter les besoins des consommateurs.

C’était sans compter les conséquences en terme de création de déchets et d’impact sur l’environnement, les océans, la biodiversité.

C’était sans compter la destruction massive de matières premières précieuses pour un usage de quelques secondes ou minutes. 

C’était sans compter l’impact sur le réchauffement climatique avec la multiplication des produits issus du pétrole dont le plastique.

C’était sans compter l’impact sur la santé. Nous ingérons chaque semaine l’équivalent d’une carte de crédit de micro plastiques.

Il y a donc urgence à en terminer avec des modèles de production et de consommation fortement générateurs de déchets et de pollutions, dont le  « tout jetable » et « l’usage unique » constituent les symboles.

Et rappelons-le ici, cela ne concerne pas que les bouteilles plastique mais bien la majorité des contenants et emballages.

L’organisation de la gestion des déchets !

A partir de 1992, a été instauré le principe pollueur-payeur nommé Responsabilité Élargie du Producteur et des eco-organismes ont été créés.

Pour cela, les consommateurs payent une éco contribution pour chaque produit ou plutôt pour chaque emballage acheté afin de gérer sa fin de vie. Cette éco-contribution est versée par les industriels à un éco-organisme - en l’occurrence CITEO pour les emballages - géré par ces mêmes industriels. L’eco-organisme délègue la gestion des déchets aux collectivités et les financent pour cette prestation. Les collectivités organisent la collecte, le tri et la revente des matières qui ont de la valeur aux recycleurs. La majorité des déchets étant soit incinérés, soit enfouis dans le sol avec un impact important en terme de pollution et de contamination des sols et des nappes phréatiques et de création de microplastiques.

Nous avons mis en place un système améliorant la gestion des déchets mais qui ne prend pas en compte suffisamment la gestion des ressources et qui détruit des matières premières précieuses.

Pour les boissons, nous avons, dans les années 80, peu à peu supprimé le principe de la consigne pour réemploi consistant à rembourser au consommateur une partie de ce qu’il avait payé à l’achat lorsqu’il ramenait le contenant. La consigne a alors été peu à peu laissé la place au tout plastique et à son recyclage. 

Ce principe de consigne existe encore dans l’Est de la France et pour les professionnels dans les cafés hôtels restaurants. Le Réseau Consigne, dont la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme a été un des partenaires fondateur a largement participé à l’organisation de la filière et au déploiement dans des territoires pionniers.

Des taux de tri qui stagnent et 83% des français se déclarent prêts au geste de consigne

En France, les taux de collecte séparée progressent peu depuis le début des années 2010. A l’échelle du pays, ce sont 58% de ces bouteilles qui sont collectées dans la bonne poubelle pour être recyclées et 45% des canettes en aluminium. A Paris ou à Marseille, c’est seulement une bouteille sur 10 qui est collectée dans la bonne poubelle pour être recyclée. C’est du à la consommation nomade et au fait qu’il n’y a pas de tri sélectif par manque de place dans certains immeubles ou certains bureaux.

La France à travers le projet de loi "anti gaspillage pour une économie circulaire" présenté par le gouvernement le 10 juillet en conseil des ministres a intégré une proposition sur le retour de la consigne. 

Selon un sondage récent,83% des français se déclarent prêts au geste de consigne.

La loi a acté des premières étapes pour sortir de notre addiction au plastique à usage unique

L’Europe s’est saisie de ce sujet et fixe, à travers la directive "Single Use Plastic" de Juin 2019, un objectif de 90% de bouteilles plastique collectées séparément en vue d’un recyclage en 2029 et de 30% de contenu recyclé dans ces bouteilles en 2030.

Par ailleurs, un certain nombre de plastiques à usage unique seront interdits à partir du 1er janvier 2020 comme la vaisselle jetable, les cotons tiges. La vente de bouteilles d’eau en plastique sera elle aussi interdite dans la restauration scolaire.

Aujourd’hui, face à l’urgence et la démultiplication des emballages jetables, le concept de la consigne refait son apparition. Elle existe actuellement dans une dizaine de pays en Europe – dont certains depuis de très nombreuses années comme l’Allemagne ou la Hollande qui ont des taux de collecte d’environ 90%. Et elle sera déployée dans une quinzaine de pays d’ici 2022.

De quelles consignes parle-t-on ?

La consigne pour réemploi. Celle que certains d’entre nous ont connu avant les années 80 et qui concerne particulièrement le verre. Les contenants sont collectés, lavés et re-remplis 30 fois environ. Le réemploi est dans la loi à privilégier avant le recyclage. Il est moins énergivore et est particulièrement opportun dans un cadre de relocalisation de l’activité industrielle. Il est moins émetteur de Gaz à effet de serre, même s’il demande de l’eau pour le lavage des contenants. 

La consigne pour recyclage concerne les bouteilles plastique et les canettes en aluminium. Le recyclage nécessite de collecter, détruire la matière et en refabriquer. Il est – dans le cadre du plastique ou de l’aluminium – particulièrement énergivore.

La consigne source de divergences et polémiques dans le projet de loi « anti gaspillage pour une économie circulaire »

En septembre 2019, le Sénat a adopté en première lecture, le principe de la consigne pour réemploi et a rejeté le principe de consigne pour recyclage. 

Les raisons invoquées sont à la fois organisationnelles et financières pour les collectivités.

Du côté des collectivités et certains recycleurs est invoqué un risque de perturbation des centres de tri dans lesquels ils ont investi pour mieux trier les différents déchets et le risque financier de perdre l’éco-contribution versée par l’eco-organisme CITEO ainsi que les recettes de revente de la matière des bouteilles plastique et des canettes en aluminium qui ont une valeur marchande.

Du côté des promoteurs de la consigne, les industriels et le gouvernement, on invoque les obligations des industriels à répondre aux objectifs fixés par l’Europe de collecte différenciée, une amélioration de l’image des producteurs face au « plastic bashing » actuel, l’intérêt d’avoir accès à la matière plastique recyclable qu’ils peuvent réintégrer dans leur production et le fait que la consigne fait ses preuves dans de nombreux pays européens.

Côté consommateurs, s’ils sont prêts aux gestes de consigne, ils restent très attentifs à leur pouvoir d’achat et ne souhaitent évidemment pas payer 3 fois pour la gestion des déchets, c’est à dire l’éco-contribution qu’ils versent déjà sur chaque emballage, les impôts locaux et la consigne. 

4 propositions pour répondre aux enjeux

Tout doit être fait pour permettre d’en terminer avec des modèles de production et de consommation fortement générateurs de déchets et de pollutions, dont le tout-jetable et l'usage unique constituent les symboles. 

Proposition 1 : Programmer la fin du plastique à usage unique 

Pour cela, notre recommandation est sans ambiguïté : programmer la fin de production et d'utilisation du plastique a usage unique issu du petrole et des emballages non recyclables et favoriser toutes les formes de reemploi.

C’est le sens de l’histoire. Et les industriels ont besoin de ce cadre pour préparer les alternatives. 

Cela nécessitera d’intensifier l'effort de recherche en faveur de l'écoconception et des alternatives au tout jetable en évitant évidemment de déployer des solutions « biosourcées » en compétition avec l’alimentation humaine.

Mais avant que le plastique à usage unique n’ait disparu, il est nécessaire de trouver des moyens complémentaires au geste de tri (poubelle jaune).

Proposition 2 : ne pas enterrer le projet de consigne

Face aux tensions sur le sujet de la consigne, nous recommandons que la loi puisse mettre en place une expérimentation, maintenant ainsi ouverte la mise en place toutes les formes de consigne (pour réemploi bien sûr, mais aussi pour recyclage) pour augmenter le taux de tri des contenants verre, plastique et aluminium. Avec une condition : imposer la mise en place systématique de dispositifs de réemploi dès lors qu’un dispositif pour recyclage est proposé. Cela veut donc dire déployer par exemple des machines mixtes (retour verre + plastique + canettes). Cela aurait un réel effet accélérateur pour déployer le réemploi.

En effet, si la consigne pour recyclage est mise en place seule, elle ne fera que faire perdurer le système de consommation et production de plastique à usage unique actuel. 

Proposition 3 : Mettre fin au scandale des emballages non recyclables

La question des bouteilles ne représente que le sommet de l’iceberg plastique. Aujourd’hui, l’essentiel des emballages ne sont pas recyclables. Il ne devrait plus être possible de mettre sur le marché un emballage qui ne soit pas recyclable. Fixer une date d’interdiction doit permettre d’encourager l’innovation. 

Nous proposons la mise en place d’une autorité chargée de contrôler la recyclabilité des emballages. Dans un premier temps, interdiction de mise sur le marché de nouveaux emballages non recyclables et d’ici 2025, interdiction de tout emballage non recyclable.  

Proposition 4 : Réduire les déchets en généralisant et encourageant le recours à l’eau du robinet

Le débat sur la consigne plastique a mis de côté la question primordiale de la baisse de consommation de contenants, notamment plastiques. L’usage de l’eau du robinet représente pourtant une évolution des pratiques qui est à la fois écologique et économique.

Il est urgent de rendre obligatoire un accès facile à des points d’eau potable (et donc froide) toute l’année dans les gares, aéroports, aires de repos d’autoroute et centres commerciaux. 

Nous appelons à la mise en place d’un Plan « fontaine » destiné à accompagner le financement de fontaines dans les villes et villages de France. 

D’autres propositions sont détaillées dans la résolution du Conseil Économique Social et Environnemental, portée par Anne de Béthencourt, représentante de la FNH : https://www.lecese.fr/content/le-cese-va-presenter-sa-resolution-la-valeur-de-la-matiere-premiere-secondaire-l-exemple-de-la-consigne

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