Propositions

Retard dans la conversion des restaurants collectifs à l’alimentation durable : le ministère de l’Agriculture doit réagir !

Publié le 28 octobre 2019 , mis à jour le 26 novembre 2020

Il y a un an, la loi EGalim posait l’objectif d’au moins 50% de produits durables, dont 20% de produits bio servis dans tous les restaurants collectifs d’ici 2022 ; un objectif essentiel pour la Fondation Nicolas Hulot et ses partenaires, mais nécessitant des moyens et des outils pour le concrétiser partout en France, en respectant les délais. Ainsi, à deux ans de l’échéance, la Fondation Nicolas Hulot, le réseau Restau’co, la FNAB, le Secours Catholique, la Confédération paysanne et Coordination Rurale tirent la sonnette d’alarme dans un communiqué de presse commun. Si, dans certaines villes, les objectifs sont atteints, ces résultats sont loin d’être la norme. Outils, formations, informations et moyens : voici la liste des choses à mettre en place immédiatement pour enrayer le retard pris dans l’application de la loi EGalim.

Depuis 2018, les actions se font attendre 

En octobre 2018, la loi Agriculture et Alimentation, dite EGalim, a été promulguée, reconnaissant de fait la pertinence de la restauration collective pour répondre aux enjeux de justice sociale, de juste rémunération des agriculteurs et de protection de l’environnement. Enfin ! 

Aujourd’hui, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation tente de rassurer les parties prenantes en indiquant que la mise en œuvre a commencé, mais ses propos sont à nuancer fortement. A ce jour, l’information, la formation, les outils et les moyens manquent cruellement aux acteurs de la restauration collective pour une mise en œuvre par tous les acteurs des objectifs de loi. 

Selon l’étude FNH/Restau’ Co à propos des besoins d’investissement en restauration collective, si 75% des restaurants collectifs interrogés portent un jugement positif sur la loi, 78% d’entre eux considèrent qu’ils n’arriveront pas à les atteindre sans financements adéquats, notamment pour opérer des investissements matériels et immatériels. En juin dernier, dans 87% des cas, aucune hausse de dotation budgétaire n’était prévue ou observée pour accompagner les acteurs de la restauration collective. Par ailleurs, 48% des acteurs et actrices exprimaient un sentiment de connaissance partielle de la loi EGalim.

A ce jour, s’il existe un budget européen de 35 millions d’euros pour subventionner des fruits, légumes et produits laitiers bio à l’école et un programme national de l’alimentation (d’un budget total d’environ 4 millions d’euros), cela n’est en rien comparable avec les besoins d’investissements dans le secteur de la restauration collective estimés par la Fondation et le réseau Restau’ Co à 330 millions d’euros par an pendant trois ans. 

Par ailleurs, les formations publiques à l’alimentation durable ne sont toujours pas mises à disposition des acteurs de la restauration collective. Plus globalement, l’absence d’informations précises de ce qui est attendu par la loi est un handicap certain pour les personnels de la restauration collective.

Bien entendu, la responsabilité est double. Les acteurs et actrices de la restauration collective, bien souvent des élu·e·s, sont moteurs du changement : à eux d’avancer dans le bon sens, dès maintenant, car beaucoup de choses sont réalisables sans attendre ! Mais le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation peut et doit créer cette impulsion sur le terrain. 

Quelles solutions concrètes pour pallier le retard déjà accumulé ?

Il en existe beaucoup, des exemples de lois ou de plans validés qui ne sont jamais suivis d’effet. Déjà, en 2009, le Grenelle de l’Environnement fixait un objectif de 20% de produits bio pour les repas servis dans les cantines. Dix ans plus tard, le bio concerne moins de 4% des produits servis. 

Pour ne pas reproduire ces schémas, la FNH demande au ministère de mettre en place les actions et moyens suivants dès que possible : 

● La mise en place d’une prime sociale à l’investissement pour les restaurants collectifs implantés dans les territoires les plus fragiles afin d’accompagner les changements structurels nécessaires et les investissements de départ

● La diffusion d’une information claire et précise à destination des gestionnaires de la restauration collective sur l’ensemble des dispositions de loi

● Une feuille de route adossée à un calendrier et un budget pour la mise en œuvre de l’expérimentation relative à la mise en place de menus végétariens dans les cantines

● Une révision du décret de 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, pour qu’il soit en cohérence avec la loi EGalim

● La mise en place de formations publiques exhaustives concernant, par exemple, la mise en place de menus végétariens et les techniques de cuisine végétarienne de qualité à destination des acteurs de la restauration collective scolaire (gestionnaires, cuisiniers, animateurs, nutritionnistes, acheteurs publics)

Visuel d'un bar à salade de restauration collective, avec un texte : "Projet de loi de finance 2020 : 15 millions d'euros pour la restauration collective"

La prime sociale à l’investissement : l’une des solutions concrètes à l’accélération de l’atteinte de la loi EGalim

Depuis de nombreuses années, les acteurs et actrices de la société civile travaillent à construire des outils pour accompagner concrètement la transformation de la restauration collective (comme par exemple la garantie Mon Restau Responsable, co-construit par la FNH et Restau'Co, ou le label En Cuisine, développé par Un Plus Bio).

La FNH et réseau Restau’ Co ont également proposé un soutien financier évalué à 330 millions d’euros par an pendant trois ans pour soutenir les investissements nécessaires à la transition. L’an dernier, sous prétexte sur les caisses de l'Etat seraient vides, le gouvernement refusait d’allouer cette somme pour soutenir les investissements de départ. 

Aussi, à l’occasion de la définition du budget 2020, notre proposition évolue. En collaboration avec de nombreu·ses·x député·e·s, nous appelons à ce que le besoin d’investissement dans les restaurants collectifs soit prioritairement fléché en direction des zones géographiques prioritaires de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Les aides nécessaires ont été chiffrées à 15 millions d’euros par an pendant 3 ans. Ces aides pourraient être attribuées à environ 2 000 restaurants et cuisines centrales des secteurs santé, scolaire, et médico-social. Le Secours Catholique a rejoint cette conviction, persuadé que la restauration collective est un levier pour assurer un accès digne à une alimentation de qualité pour toutes et tous. 

L’objectif ? Accompagner les investissements dans des outils matériels (légumeries, composts, nouvelles vaisselles, etc.), immatériels (campagnes de sensibilisation, formations, etc.), et du temps dédié aux réflexions territoriales (structuration de filières d’approvisionnement, de légumeries départementales, d’ateliers de découpe ou conserverie, etc.). 

Cette prime sociale à l’investissement s’inscrit dans la volonté de rendre effectif le droit à une alimentation saine, un droit universel de manger sans détériorer sa santé et son environnement. Mais pas uniquement :  elle est également attendue par les agriculteurs et agricultrices pour leur assurer un débouché rémunérateur !

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