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Comment arrêter les pesticides de synthèse ? Une autre agriculture est possible

Publié le 30 novembre 2020 , mis à jour le 05 septembre 2023

Du glyphosate aux néonicotinoïdes en passant par l’atrazine ou autres molécules aux noms barbares, les pesticides de synthèse font désormais parler d’eux toute l’année. Dans l’air que nous respirons, dans les aliments que nous mangeons… ils sont partout. Si leur dangerosité est maintenant largement partagée, la question qui divise est notre capacité à nous en passer : est-il vraiment possible d'arrêter ? Ne risque pas-t-on tout bonnement de mettre en péril notre capacité à nous nourrir ? Et l’agriculteur dans tout ça… plus de travail, plus de tracas ? Décryptage.

Comment nourrir les Français tout en respectant la planète et notre santé ?

Oui, il existe une alternative aux pesticides de synthèse et c’est l’agriculture agroécologique. Mais qu’est-ce que c’est au juste ? Il s’agit d’un modèle agricole qui vise à produire tout en respectant l’environnement, la biodiversité et l’homme, en utilisant les différentes fonctionnalités offertes par les écosystèmes (la faune, la flore, les sols, les minéraux, l’eau, le soleil, l’ombre, etc....). 

Grâce à une conception globale de la ferme et à l’association des différents éléments naturels, l’agroécologie permet de réduire un maximum les intrants chimiques comme les pesticides ou les engrais de synthèse, mais aussi les antibiotiques dédiés à l’élevage ou les carburants fossiles pour les tracteurs. 

Les pesticides de synthèse sont des produits qui contiennent des molécules fabriquées par l’homme1 dans des laboratoires. C’est le cas par exemple du glyphosate ou des néonicotinoïdes.

Pourquoi et comment réduire les pesticides ?

Comment fonctionne l'agroécologie ?

Face à un problème (ravageurs, mauvaises herbes, infertilité du sol…), l’agroécologie ne propose pas une solution unique mais une convergence de pratiques et de différents « systèmes » sans mettre à mal l’environnement ! Par exemple :

1. Repenser la rotation des cultures pour la diversifier et l’allonger (c’est-à-dire que chaque année les cultures changent de parcelles pour revenir à la première au bout de 5 ou 7 ans). Cela permet de ralentir la propagation des agresseurs, l’installation durable de maladies et la concurrence avec d’autres plantes.

2. Choisir des variétés adaptables, résilientes, peu exigeantes et donc moins sensibles aux maladies.

3. Installer de haies permettant de recréer des corridors écologiques qui favorisent la présence d’auxiliaires telles que la coccinelle pour lutter contre… le puceron ! 

4. Associer différentes cultures et apporter du fumier organique pour rendre le sol plus fertile.

Par exemple, certaines expérimentations2 en arboriculture ont permis de réduire l’utilisation des pesticides d’au moins 50% par la mobilisation de nombreuses actions : densité d’arbres plus faible, conduite aérée du verger ou encore retrait des feuilles en morte-saison3.

➡️Et l’agriculture biologique dans tout ça ? Et bien elle fait partie de ce « champ des possibles » que constitue l’agriculture agroécologique. Elle est également fondée sur le respect de l’activité biologique de la nature et privilégie aussi la vie du sol. Dans son principe, l’agriculture biologique prend également en considération les rapports d’équité et les interactions entre les hommes et le milieu naturel. Les agriculteurs en agriculture biologique sont tenus de se conformer à une certification qui repose pour l’essentiel sur l’interdiction d’utiliser des pesticides de synthèses, le recours aux OGM et aux farines animales(4).

Et…ça marche !

Il n’y a jamais eu autant de conversion au bio en France et dans le monde ! Aujourd’hui nous avons atteint un nombre record d’exploitations agricoles engagées dans le bio en France (près de 7,5% de la surface agricole française est en bio, chaque jour en 2018 on compte 13,5 fermes bio supplémentaires5). Et 2018 est une année record pour l’agriculture biologique dans le monde avec une augmentation de 2 millions d’hectares des terres agricoles biologiques6

Cette dynamique démontre que cette agriculture est non seulement écologiquement intéressante mais aussi techniquement et économiquement viable ! Selon Olivier De Schutter (Rapporteur spécial ONU sur le droit à l’alimentation de 2008 à 2014), « l’agroécologie est une alternative viable au modèle agricole dominant et constitue une solution aux problèmes de pauvreté rurale, de malnutrition, de changements climatiques et de perte de la biodiversité ». 

Pour Jacques Morineau, agriculteur expérimentateur en Vendée et porte-parole de la plateforme pour une autre PAC : "Au final, le rendement global de la parcelle agricole s’en trouve accru". 

Une agriculture autonome n’est pas dépendante d’un fournisseur. Lorsqu’on nous dit qu’il faut acheter pour être plus efficaces et performants, pour moi c’est un leurre.

Dominique, paysan éleveur et cultivateur

Après des années d’agriculture conventionnelle, Dominique a décidé de changer de modèle pour réduire ses coûts. Aujourd’hui il utilise aucun intrant de synthèse. Il a 70 vaches laitières, 10 vaches à viande et 93 hectares de cultures (prairies, colza et mélanges céréaliers)7

En bref…l’agroécologie c’est du gagnant- gagnant !

- L’agroécologie est en phase avec les convictions de nombreux agriculteurs. Selon un sondage récent, les agriculteurs qui se convertissent à la bio le font en premier lieu pour la protection de l’environnement(8)

- L’agroécologie est plus intéressante économiquement. Les agriculteurs bio s’en sortent très bien, certains depuis plus de 30 ans9. Dans plusieurs activités où les agriculteurs connaissent des difficultés financières, le passage à l’agriculture biologique s’avère une option viable, ce qui explique que, entre 2005 et 2016, la surface agricole en bio soit passée de 2 % à 5,7 %10. C’est notamment observé dans la production de lait, de fruits et de légumes. « Ce sont souvent d’abord les enjeux économiques qui font les conversions », note Marc Benoit, économiste et codirecteur du Comité interne de l’agriculture biologique de l’INRA. Selon lui, « C’est lié aux fameux ciseaux des prix : le prix des denrées diminue tandis que celui de l’énergie, des engrais et des produits phytosanitaires augmente ».11

- L’agroécologie est synonyme de sécurité pour de nombreux agriculteurs. Selon un sondage récent, une majorité d’entre eux en agriculture biologique voit pour avantage à la certification bio la pérennisation de manière durable de leur ferme12.

- L’agroécologie est créatrice d’emplois. La ferme en agriculture biologique emploie davantage de main d’œuvre que la ferme conventionnelle. Cela est dû à deux mécanismes : le remplacement des pesticides de synthèse par des pratiques plus intensives en travail et le fort engagement des fermes biologiques dans des démarches de commercialisation en circuits courts et de diversification13.

Sources

(1) Soit des molécules nouvelles crées par l’homme soit des molécules préexistantes dans la nature que l’on isole de son « contexte naturel
(2) Ecophyto, note de suivi 2018-2019 
(3) Note de suivi 2018-2019 du Plan Ecophyto 
(4) FNAB
(5) Agence Bio, 2019
(6) Consoglobe
(7) Plateforme pour une autre PAC
(8) Sondage Bureau Veritas, février 2019
(9) Note de suivi 2018-2019 du Plan Ecophyto 
(10),(11) Natacha Sautereau et Marc Benoit, « Quantifier et chiffrer économiquement les externalités de l’agriculture biologique ? », Institut technique de l’agriculture biologique, Paris, novembre 2016
(12) Sondage Bureau Veritas, février 2019
(13) Midler, Performance environnementale des exploitations agricoles et emploi (2019)
(14) FNH, communiqué de presse janvier 2020 : +20 % de pesticides en un an : bonne année... et surtout la santé

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