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Quel avenir pour la filière automobile en France après la crise du coronavirus ?

Publié le 05 mai 2020 , mis à jour le 23 novembre 2020

Le secteur automobile est confronté à une crise sans précédent dans son histoire. La filière avait depuis deux ans déjà annoncé des réductions d’effectifs pour les années à venir, en lien avec la transformation profonde du secteur (automatisation, stratégies de délocalisation …). La conversion à l’électrique quant à elle est amorcée, mais se révèle sensible aux chocs. Qu’en sera-t-il à l’issue de cette crise ? Poser les bases d’une stratégie industrielle européenne et française, en cohérence avec les objectifs de lutte contre la pollution de l’air et le changement climatique, est une condition de survie pour de nombreux acteurs de la filière. Pour ce faire, la FNH identifie trois objectifs et propose 12 mesures pour les atteindre.

L'après COVID : quel stratégie pour la filière automobile en France

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Avenir secteur automobile

Alors que l’activité reprend dans les usines, l’incertitude demeure sur l’avenir de la filière automobile en France

La crise sanitaire a provoqué la fermeture en cascade des unités de production. Les services liés à l’usage de l’automobile ont été réduits à leur strict minimum pendant plusieurs semaines. En France, ce sont 200 000 salariés qui sont touchés dans l’industrie, 900 000 au total sur l’ensemble de la filière si l’on compte les services automobiles. A ce stade, il est encore trop tôt pour mesurer précisément les impacts que cette crise aura sur l’évolution de l’emploi dans le secteur.

Cependant, il est possible de prévoir que si les activités industrielles et que les concessions rouvrent, les ventes risquent de rester plusieurs mois sur de faibles volumes. En cause : la baisse du pouvoir d’achat des ménages, et les reports d’achat opérés par les entreprises pour se maintenir suite à la crise.

La crise est d'autant plus forte que les chaînes de valeurs se sont allongées, les pièces détachées sont de plus en plus sous-traitées, que le secteur est fortement concurrentiel, que l'évolution des normes est appliquée "juste à temps" et que la conversion à l'électrique est un objectif trop peu assumé. Il faudra donc savoir tirer les enseignements de cette crise mondiale. Les appels à réorienter l’économie vers une plus grande résilience, à relocaliser en partie les filières, à mettre les besoins humains au centre ne peuvent pas être ignorés..

Cette situation est à même de compromettre le virage vers l’électromobilité. Le marché des véhicules électriques sera d’autant plus fragile à cette conjoncture que leur prix d’achat est élevé en comparaison aux véhicules essence et diesel.

La sortie de crise doit accélérer le virage vers l’électromobilité

La crise est une opportunité pour poser ouvertement le débat sur l’avenir de la filière industrielle en France : veut-on maintenir une activité industrielle automobile sur le territoire national, et si oui, laquelle ? Cette question implique de sortir d’une politique défensive qui prévaut depuis de nombreuses années, et qui a misé sur le maintien des emplois à coup de subventions publiques, sans parvenir à contenir l’hémorragie.

Ce débat devra être posé avec les acteurs économiques, les partenaires sociaux, mais également les représentants du Haut Conseil pour le climat (HCC) et de la Convention citoyenne pour le climat. Il doit engager la filière dans un contrat de transition, en phase avec les enjeux des années à venir : la lutte contre la pollution de l’air et le changement climatique. Cette crise est aussi un moment pour penser l’avenir de la filière plus largement, en incluant toutes les activités qui contribuent au cycle de vie des véhicules : de la production à la fin de vie en passant par l’usage et les nombreux services qui y sont dédiés.

Les objectifs pour l’air et le climat : zéro voiture diesel et essence en 2030

Les décisions post-crise doivent également permettre d’accélérer la sortie des carburants fossiles, et donc, la fin de la production et de la vente des voitures essence et diesel. La FNH alerte sur le caractère non négociable des normes CO2 et antipollution. Le recul des objectifs irait à l’encontre des investissements des industriels dans les véhicules électriques, dans les projets de production de batteries (Alliance européenne pour les batteries). Cela représenterait un risque économique à moyen et long terme. Plus encore, les enjeux de pollution de l’air ne pourront pas être ignorés en sortie de crise.

Pour l’emploi : accompagner les évolutions du secteur et miser sur l’attractivité des métiers 

La première priorité pour l’emploi est d’accompagner les salariés dans la conversion à l’électrique et dans le déploiement des nouveaux services : en termes d’emplois, les pertes seront réelles dans les années à venir. Les viviers d’emplois se trouvent dans de nouveaux projets industriels, de production, mais aussi dans les nouveaux usages et la conversion du parc existant, dans l’installation d’infrastructures, et dans les activités liées au recyclage et à la fin de vie. La seconde priorité est d’agir en faveur de l’attractivité des métiers de l’automobile.

3 objectifs et 12 mesures pour la relance du secteur automobile

1. Soutenir la dynamique du marché automobile dans sa conversion à l’électrique

Cette première série de mesures visent à limiter l’impact de la crise sur l’emploi, en permettant à l’activité de repartir. Il s’agit donc de mesures à mettre en œuvre sur le second semestre 2020. 

  • Mesure 1 : renforcer le bonus pour les véhicules et 2 roues électrifiés sur une durée limitée de 6 mois, renouvelables une fois. La limitation de la durée dans le temps est la condition nécessaire pour créer un effet d’aubaine sur l’année, et contrer l’effet de report des ventes.
  • Mesure 2 : étendre la prime à la conversion aux véhicules électriques d’occasion, et  aux véhicules en leasing récents.
  • Mesure 3 : instaurer le Prêt à taux zéro sur condition de ressources, pour permettre à certains ménages de basculer du thermique à l’électrique (neuf ou occasion). 
  • Mesure 4 : intégrer un critère de poids additionnel au barème du bonus-malus, afin de privilégier les véhicules plus légers et donc moins consommateurs de carburant.
  • Mesure 5 : conditionner l’ensemble des aides aux acteurs économiques à la mise en cohérence de leur stratégie avec les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (recommandation du Haut Conseil pour le climat).

2. Renforcer et élargir l’Alliance européenne pour les batteries afin de développer une industrie compétitive de par ses performances environnementales et sociales

L’Alliance européenne pour les batteries vise à développer une industrie de batteries, compétitive, en Europe. Plus de 200 acteurs de l’industrie et de l’innovation provenant de tous les segments de la chaîne de valeur des batteries sont mobilisés : fabrication de cellules, coopération entre universités et entreprises, programmes d’éducation et de formation, utilisation en seconde vie des batteries, recyclage... La France a d’ores et déjà investi 700 millions d’euros dans l’Alliance et soutient plusieurs projets en métropole.

L'objectif de cette série de mesures est de développer des activités et des emplois non délocalisables en France et en Europe, à moyen terme, en intégrant les nouvelles activités liées à la mobilité.

  • Mesure 6 : renforcer les investissements de l’État et des acteurs privés dans l’Alliance européennes pour les batteries.
  • Mesure 7 : mettre en place un contrat de transition pour l’ensemble de la filière, afin de mobiliser l’ensemble des acteurs (services de mobilité et énergie compris) autour des objectifs de lutte contre la pollution et le changement climatique, et en fonction d’un responsabilité sociale renforcée.
  • Mesure 8 : renforcer les compétences et valoriser les métiers du secteur de l’automobile et des nouveaux métiers associés, afin de le rendre plus attractifs.
  • Mesure 9 : faire évoluer le bonus pour les véhicules électriques, afin de prendre en compte de l’origine de la fabrication de la batterie (UE/ hors UE).

3. Développer le réseau d'infrastructures de recharge et les services partagés

Le déploiement du réseau de recharge et des services de voitures partagées sont des activités que nous avons tout intérêt à développer, car elles sont pourvoyeuses d’emplois non délocalisables. 

  • Mesure 10 : accélérer l’installation de bornes de recharge (réduire les délais de procédure, rendre obligatoire l’installation de bornes dans les bâtiments collectifs.
  • Mesure 11 : renforcer le soutien financier aux bornes de recharge pour les particuliers pendant 1 an, avec une prise en charge à 100%.
  • Mesure 12 : soutenir les collectivités financièrement, à travers une dotation budgétaire exceptionnelle pour accélérer le déploiement des bornes, moderniser le réseau existant, mettre en place les dispositifs de pilotage, et créer les services de voitures partagées. 

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